Le sujet illettré est un sujet éminemment politique : il met toutes ses forces à promouvoir par son discours une culture commune dont il serait exclu.
Sa demande affole toutes les associations car il sollicite l’aide des professionnels qu’il convoque comme les fidèles gardiens de cette culture, La Culture de La Juste Lettre. Eux savent écrire parce qu’ils ont été de bons élèves, de bons fils et filles, de bons citoyens !
Le sujet illettré porte son illettrisme comme une faute et en appelle à ceux qui connaissent le souverain Bien. Les mots échangés deviennent alors des mots d’ordre ! Tout a un sens, une utilité pour celui qui saura se concentrer sur l’essentiel, et l’essentiel, ce sont les règles linguistiques fondées sur une logique binaire où ne persiste aucune ambiguïté, ni aucune exception.
Ce que l’illettré interroge, dans son échec persistant à se raccrocher au langage autrement que sur son versant linguistique, c’est la dimension contingente de la parole. Car le signifiant est toujours prêt à tous les retournements possibles et la lettre ne prend sa fonction d’écriture et de lecture que dans sa différenciation d’avec une autre lettre avec laquelle elle fait bon voisinage.
Ce voisinage est nécessaire au surgissement du sens, mais aucun sens n’est préexistant au voisinage.
Le sujet illettré cherche du sens en dehors de la mise en scène de sa subjectivité. Il y aurait une représentation d’avant la représentation et il serait arrivé trop tard, après le tomber du rideau.
Le discours politique ramène de la culture commune à tout bout de champ : il faut être solidaire, viser le Bien en commun et en appeler sans cesse à une responsabilité collective.
Le meilleur exemple de ce discours est la démocratie. Car, même si la démocratie est la loi du plus grand nombre, cela reste le plus grand nombre du plus grand nombre de ceux qui s’expriment dans les règles de la démocratie. Ces règles régissent le mode d’expression du peuple comme le langage régit le mode d’apparition du sujet.
Ce qui nous est commun, dans toutes les cultures, c’est la fonction prédicative du langage : ce qui s’affirme du sujet ne peut se dire que dans une fonction de renvoi. Pour le dire autrement : aucun terme, mot, unité linguistique, signifiant, ne peut suffire seul à permettre le surgissement du sujet –et par là même du sens- Ce qui est ainsi supposé, c’est le sujet, qui est à cet égard bien peu de chose, et certainement pas une identité, car il n’est que l’effet produit dans l’articulation, le voisinage entre deux termes inscrits dans le nécessaire (proposition négative particulière).
Le discours politique passe son temps à définir les multiples identités des gens, repoussant toujours plus loin l’apparition du sujet, fixant l’expression métonymique de son désir à des pseudos opinions revêtues d’une apparence de bon ou de mauvais choix.
Dans la vie psychique, il ne s’agit pas de faire le bon choix mais d’assumer le choix que l’on fait puisqu’il s’agit d’assumer qu’on ne peut pas ne pas choisir ! Tous ceux qui soutiennent le discours du Bien, du mieux, du progrès ou de la vérité sont coincés dans la méprise de soi et dans le mépris de l’autre.