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L’Autre discours

L’Autre discours est l’envers du discours courant lequel ne fait que mesurer, à l’aune de l’autre, le degré de notre pouvoir sur lui. L’Autre discours n’a rien à voir avec le mesurable, le quantifiable, bref le discours scientifique.

Que représente ce « A » majuscule issu du discours de la psychanalyse lorsqu’elle parle de « l’Autre avec un grand A » ?

Cette notion d’Autre est employée aujourd’hui à tort et à travers par n’importe qui au sujet de n’importe quoi et ses utilisateurs sont bien embêtés lorsqu’on leurs demande de quoi ils parlent. Généralement, l’emploi de ce terme est signe de dénégation et ne sert qu’à recouvrir le fait que ce qu’on va trouver derrière sera d’une banalité redondante et accrue.

L’Autre discours auquel je fais référence n’est pas du domaine du bla-bla- quotidien, lequel nous sert généralement à évaluer l’autre (son Q.I., sa classe sociale, son niveau d’étude, sa convivialité) et à évaluer par là le degré de notre pouvoir de séduction.

L’Autre discours est l’envers du discours courant lequel ne fait que mesurer, à l’aune de l’autre, le degré de notre pouvoir sur lui. L’Autre discours n’a rien à voir avec le mesurable, le quantifiable, bref le discours scientifique.

L’Autre discours est uniquement du côté du qualitatif. C’est l’envers du discours de la science, et nous prétendons pour l’avoir éprouvé qu’il n’est pas sans effet ni sans conséquences. Il met en jeu la qualité des choses, c’est pourquoi il se retrouve du côté de l’expérience sensible et non mesurable.

Si le discours de la Science se prouve, l’Autre discours s’éprouve. L’un a recours à la preuve, l’autre, à l’épreuve ( comme on le dirait du feu ).

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Que se passe-t-il lorsque celui qui est enseigné n’éprouve aucune joie à être mesuré sans cesse par celui qui détient le pouvoir ( discours universitaire: zéro en math, deux heure de colle…) ?

Le discours universitaire comme celui de la science est du côté de « la boucler ». Tais toi et danse si tu veux ta part du gâteau. Ce que tu es et ce que tu aimes ne nous intéresse pas, et encore bien moins ce que tu penses.

On a fait le coup à Galilée et bien d’autres lesquels d’avoir été plus courageux que leurs contemporains ont subi l’épreuve du feu pour n’avoir pas voulu « la boucler ». On peut même se demander ce qui peut bien se passer dans la tête de l’enseignant qui tient un discours auquel il ne peut lui-même adhérer sans être tenu du côté de la folie et d’une pure érotique. La première question que l’on pose à un enfant qui revient pour la première fois de l’école est généralement: « Est-ce que ton maître est gentil ». De suite l’enfant comprendra que pour être pris en compte par la communauté des humains il devra lui aussi être « gentil ».

C’est cet appareil là que j’appelle l’érotique. Or la vie, pour se soutenir, dépend de ce que doivent fonctionner ensembles (pour que cela tienne debout ), l’ÉROS et le THANATOS, conjointement.


ÉROS : ce qui unit, THANATOS : ce qui sépare
Cela commence très tôt, dés l’embryon humain où la cellule se scinde en deux, puis en quatre pour plus tard s’amalgamer puis se séparer à nouveau, jusques à faire un corps individuel.


D’un côté l’ÉROS (ce qui unit) : -> 2=1
D’autre part le THANATOS (ce qui sépare) : -> 1=2, (qui n’est pas sans rapport avec la mort).

Or, notre société qui évacue tout ce qui peut rappeler ou évoquer la mort, ne vit plus que du côté de l’ÉROS, y compris et surtout dans l’enseignement. On commence à enseigner à l’enfant : 1+1=2, et c’est parti! Or une érotique sans THANATOS mène bien sur à la folie du discours, à la pédophilie et à l’appel au meurtre afin que réapparaisse le « THANATOS », mais seulement dans son côté mortifère.

Même chez Freud on trouve une opposition absolue entre ce qu’il appelle « l’instinct de mort » et « la pulsion de mort », laquelle est ce qui soutient la vie.

L’instinct de mort n’étant que ce qui réapparaît dans le conscient du refoulement inconscient de la pulsion de mort. Instinct de mort qui réactive dans la réalité une tendance suicidaire de soi ou des autres.

On le voit à l’œuvre dans le discours humanitaire qui sous le biais de vouloir aimer tout le monde dissimule et refoule son désir de destruction de l’autre.

Cela donne également cet élan d’une génération qui n’ a d’autre mot d’ordre que : « il faut être le premier ». Les autres, à partir du second sont comme sacrifiés, suicidés. On voit ce que ça donne dans le sport aujourd’hui. La drogue, l’esbroufe, la mort précoce et l’escroquerie du discours.

On voit, moins bien, les mêmes effets se produire dans l’enseignement. La drogue, la déprime et le suicide, tant chez les maîtres que chez ceux enseignés qui ne peuvent affronter ce discours qui fait l’impasse sur la mort, notamment sur la mort symbolique, laquelle concerne en plein ceux qui sont en âge d’être enseigné.

La mort symbolique ! C’est comme ça que de tout temps on a nommé le passage à la vie qui fait d’un humain un homme.

C’est pourquoi, chez les chrétiens par exemple, le baptême se faisait à 33 ans, l’âge de la mort du Christ juste avant qu’il soit ressuscité ; tout un symbole ! Le baptiste mettait le postulant au milieu de la rivière avec de l’eau jusqu’au cou et lui versait de la main un peu d’eau sur la tête en disant : « par cette eau, tu meurs à toi-même ». Par ce rituel symbolique, le baptisé avait la possibilité de devenir un homme parmi les hommes. Rien à voir bien sur avec ce qui est demeuré de ce rituel qui aujourd’hui amalgame et confond le baptême avec la cérémonie d’accueil au monde du nouveau-né, cérémonie sans laquelle il ne pourrait survivre.

L’Autre discours est un discours qui prend en compte l’existence de la mort symbolique. C’est, notamment, ce discours qui permet à celui qui en a été éprouvé ( ce que ni l’éducation Nationale ni l’état ne peuvent contrôler, hélas pour eux ) de répondre à l’adolescent qui dit : »Je veux mourir » ou « Je sens que je ne vivrais pas vieux ».

C’est à partir de cet Autre discours qu’il est possible de lui répondre, pas forcément par des mots d’ailleurs, mais par une attitude, par une qualité de silence aussi bien, une odeur comme on le dirait en parlant de la sainteté, une saveur du discours (au sens soufi). Quelque chose qui en mots se traduirait par cela : « eh bien tu as raison de vouloir mourir, c’est en cela que tu appartiens à l’humanité, de vouloir devenir un homme en mourant à toi même. Ne t’inquiète pas, moi-même j’y suis passé et il faut un certain courage. Je te souhaite que cela t’arrive le plus rapidement possible. »

Cette réponse, bien sur, pourrait être catastrophique, prononcée par un qui n’aurait pas été déjà éprouvé lui-même par cette mort symbolique, mais qui réciterait par coeur quelque chose appris comme on peut apprendre une recette de cuisine, ou comme à l’éducation nationale, d’une façon pas éclairée.

Cela pose, bien sur, le problème de la qualité de l’enseignant. En quoi est-il qualifié à enseigner à des jeunes les rudiments susceptibles de les aider à franchir le cap douloureux de la mort symbolique ?

Mort symbolique qui nécessite un grand courage, celui de renoncer aux représentations en général (ce qui va à l’inverse de ce que le capitalisme débridé instaure comme système de vie) et plus particulièrement à celle de la mort imaginaire si redoutable ou tout est capharnaüm et où sont synonymes les notions de :

– vide –
– néant –
– manque –
– rien –
– trou –
– absence –
– blanc –
– abîme –
– feu

(au sens de «feu mon oncle »)
– etc… –