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Illettrisme et retournement de l’Univers

(ou l’incorporation de l’extérieur ) par Charley Supper Edito d’octobre 2006

Faubourg du Temple , 12 octobre 2006

Pour commencer cette page, un peu de gymnastique des méninges ! Je voudrais attirer votre attention sur le trou et plus particulièrement une qualité de trou que l’on oublie toujours de prendre en compte. Je veux parler du trou qui est autour de la droite infinie.

Soit une droite infinie !


Soit une droite infinie !

 

 

Le trou est autour !

Jean-Michel Vappereau dit que les parents ne s’entendent pas crier. C’est la même chose que d’oublier ce trou qui est là pourtant.

Lacan disait : « Qu’on dise » reste oublié

 

 

 

Passons à autre chose qui nous a amené là !

Prenons un nœud qui se trouve répété comme motif d’une tapisserie sur le fond d’un tableau de Giotto intitulé : « LA PREDICA DI SAN FRANCESCO DINANZI A ONORIO III  » (A voir sur : http://www.thais.it)

Cliquez sur l’image pour l’agrandir !

LA PREDICA DI SAN FRANCESCO DINANZI A ONORIO III

(Le carré rouge est agrandi ci-dessous)

 

Appliquons lui ce que Jean-Michel Vappereau appelle l’étoffage. C’est à dire qu’à chaque croisement de deux fils nous garnissons les bords d’une étoffe comme ceci :

A chaque fois, nous avons le choix d’étoffer deux des bords ou les deux autres !

Etoffons le nœud de Giotto !

figure 1

Ici, nous l’avons étoffé de cette façon extrinsèque, afin de ne pas prendre en compte l’Univers…

figure 2

En effet, nous aurions pu l’étoffer de cette façon.

Nous aurions obtenu ceci où nous sommes intrinsèques au nœud et où il est bien plus difficile de s’y retrouver puisque nous ne voyons pas ce qui se passe aux confins de cet Univers !

C’est la même figure pourtant ! Oui, mais pas pareille !

figure 3

Conservons donc notre étoffe et notre objet comme ceci, devant nos yeux et numérotons les parties étoffées pour mieux nous y reconnaître par la suite !


Déjà, nous pouvons dire que ce qui rend une personne illettrée est l’impossibilité de faire la moindre allé-venue au plan imaginaire entre les figures 1 et 2.

Dès qu’elle tente d’aborder quelque chose qui s’apparent à la figure 2, c’est son propre corps qu’elle ne maîtrise plus car elle n’en perçoit plus les confins. Elle se retrouve comme pas finie, comme non vivante, comme morte ! N’oublions pas, c’est ce que Lacan appelle le stade du miroir qui permet d’imaginer les limites du corps, et qui est à l’origine du fait de s’appréhender comme unité et par là de se sentir existant, vivant comme corps.

La personne illettrée va vivre la même chose avec le rapport entre les petites lettres de l’alphabet et la Lettre. Quand elles sont intrinsèques à la Lettre, elles disparaissent et sont l’objet d’une grande angoisse pour celui qui tente de les affronter.


Que va-t-il se passer, si je retourne une des boucles de mon nœud qui ressemble à un nœud borroméen à quatre ronds, mais qui n’en est pas un puisqu’il est composé d’un unique fil ?

Figure 1


Nœud borroméen

Je rappelle que le nœud borroméen n’est possible qu’à partir de trois ronds de ficelle !

Je rappelle aussi que sa propriété est que, quel que soit le nombre de ronds de ficelle, le fait d’en couper un au hasard, libère tous les autres ronds. Sans oublier ce fait étonnant qu’aucun des fils ne passe par le trou d’aucun autre !

Et pourtant ça tient !

Nous y avons fait une marque verte extérieure au nœud (un point) pour nous repérer plus tard

Comment faire pour obtenir le retournement d’un rond noué à d’autres ?

Prenons le cas du nœud borroméen !

Retournement d’un des ronds du borroméen

Pour retourner un des ronds (le bleu), je lui fait une petite autoroute qui va ensuite englober l’Univers.

On y retrouve le point vert externe au nœud.

 

 

 

 

Et je retrouve mon rond bleu cohérent mais retourné !

Et ce qui était externe, extrinsèque à mon nœud se trouve maintenant englobé dans l’espace entre le rond bleu et les ronds gouge et jaune.

Le point vert se retrouve à l’intérieur !

 

 


Figure 1

Pour retourner ma boucle de la figure 1, je vais procéder de la même façon en créant une bretelle d’autoroute !

On voit bien ici le point vert extérieure au nœud

 

Figure 2

Je crée ma bretelle qui englobe l’Univers où je baigne et je retourne mon nœud.

Je vais maintenant retrouver mon nœud avec sa boucle retournée ainsi :

 

Figure 3

Ce qui était extrinsèque au nœud est maintenant incorporé (au sens religieux : ceci est mon corps)

Qu’on dise était oublié !

On notera aussi cette impression que cette figure semble un arrangement entre un nœud trèfle et un nœud de Whitehead.


On peut ici comprendre également pourquoi il n’y a pas de métalangage, puisque par le simple fait du langage, d’avoir pris en compte l’Univers fait apparaître immédiatement un ailleurs, un Aleph1

La personne illettrée n’a pas ou plus accès à ces jeux, ces échanges symboliques entre l’extrinsèque et l’intrinsèque de la langue dont je rappelle que c’est cela qui fait la différence entre les petites lettres de l’alphabet et la Lettre (avec un grand « L »).

Bizarrement c’est cela aussi ce va-et-vient entre l’intrinsèque et l’extrinsèque qui permet d’installer la Différence (avec un grand « D »), n’en déplaise aux tenants de la Globalisation ou de la World-Music !

Différence dont je rappelle qu’elle ne peut s’instaurer que de la répartition du même. Rien à voir avec le métissage dont les défenseurs ne font qu’avouer ainsi leur terreur de la différence !

« Une frontière est acquise seulement lorsqu’elle opère en même temps la fonction de séparer (partir) de ce qui n’est pas le territoire qu’elle définit, et celle de rassembler (répartir) les parcelles de ce qu’elle inclut sous les auspices du même ».

 

Charley Supper