Contrairement à ce qui s’affiche partout dans le social où seul l’Eros à droit de parole, le principe de vie se résume pour l’être humain, à faire marcher ensembles l’Eros et le Thanatos.
- Eros, ce qui unit 1 + 1 = 2 (où 2 est aussi un Un)
- Thanatos, ce qui sépare 2 = 1 + 1.
Freud et Lacan parlent du principe de plaisir et du principe de mort (lequel loin d’être un symptôme morbide, est ce qui permet de s’emparer pleinement de la vie).
Il en va de même en ce qui concerne la possibilité de s’affronter à la lecture.
Lire
Lire un texte (ou « se lire », comme disait Edmond Rostand), c’est faire à chaque instant un choix de délimitation entre les vides et les pleins de l’écriture d’un texte.
Cela nécessite également que soit opéré simultanément un rapport entre le vide et le plein de la Lettre (avec un grand « L »).
Ce qui sépare
Délimitation entre vide et plein !
Nous sommes là dans un discours binaire dont nous savons à quel point son apparente facilité ne permet pas une pleine appréhension du monde.
Ici, il manque à la formule « Trace de pas », son plein de sens signifiant de : | |||
C’est-à-dire le Signifiant : |
Après ce qui sépare, il est nécessaire d’y adjoindre ce qui conjoint.
Ce qui unit
Ce qui unit le vide et le plein est de l’ordre de la Lettre (avec un grand « L »). Lettre dont nous rappelons qu’elle est un équivalant ou une métonymie du Chiffre (avec un grand « C »). Le Chiffre, comme on le dit pour parler du bureau des services spéciaux dont la tâche est de coder les messages que s’envoient les services secrets !
C’est seulement quand la Lettre est chiffrée qu’à la lecture elle pourra être déchiffrée. Chiffre vient de l’arabe « cifr » qui signifie zéro ou le vide.
C’est alors un autre registre du plein et du vide dont il s’agit. Le plein de sens qui s ‘appuie sur le consensus d’une communauté : l’interprétation, nécessitée par l’arbitraire du signe !
Nous ne sommes plus dans le binaire mais dans un discours trinaire. Nous avons bien trois termes :
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Ce rapport vide/plein, ajouté ou conjoint à la délimitation du vide et du plein, constituera l’étoffe du texte par l’adoption d’un discours trinaire ou trinitaire. Trinitaire car faisant, en même temps, lien et séparation entre le vide et le plein.
La limite, est à la fois ce qui unit et ce qui sépare. Une frontière est ce qui établit un choix entre le partir et le répartir.
Sans cette conjonction du partir et du répartir, pas d’étoffage du texte ni de « l’être » de celui qui tente de lire. Celui qui lit se présentant ainsi comme être parlant, c’est à dire séparé du monde par la langue.
C’est seulement à user de la langue qu’il pourra s’accommoder le monde, en parlant, lisant, écrivant.
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Étoffage
Nous rappelons que l’étoffage d’une zone ne se transmet à celles qui la jouxte que par les croisements. Il est donc nécessaire d’opérer un choix parmi les croisements selon la zone à étoffer.
Il y a toujours deux choix qui s’offrent au lecteur.
Nœuds Borroméens
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Ainsi, à chaque seconde, nous aurons le choix de l’étoffe entre deux zones :
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Extrinsèque |
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Ici, nous sommes extérieurs au nœud. C’est le nœud représenté de façon extrinsèque ! Il permet d’appréhender les petites lettres de l’alphabet. C’est la limite du vide et du plein de notre extérieur !
Mais ce nœud borroméen, nous pouvons aussi le représenter de façon intrinsèque comme ci-après :
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Intrinsèque | ||||||
Ici, nous sommes intrinsèques au nœud. Il fait partie de nous ! L’Univers (la bulle de notre être) en entier est étoffé. C’est la partition du vide et du plein de notre intérieur ! C’est ici que s’inscrit la possibilité que lire, ce soit « se lire ».
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La personne illettrée a perdu le choix des zones à étoffer, or lire, c’est exercer à chaque seconde le choix entre deux fois deux catégories de zones : le vide et le plein d’une part, le partir et le répartir d’autre part. Ce choix de la zone est ce qui étoffe en même temps le texte à déchiffrer et le sujet lui-même qui tente de lire. Il y a un rapport entre l’étoffage d’un texte et l’étoffe de « l’Etre » de celui qui le lit. N’oublions pas que nous sommes des êtres bâtis par la parole. « Nomina sunt causa », comme disait Saint Augustin (les noms sont les choses). Aujourd’hui nous ne nous asseyons plus sur les chaises, mais sur le mot « chaise ».
La personne illettrée quant à elle, n’a plus accès au choix de l’étoffage des zones et se retrouve ainsi elle-même privée d’étoffe, privée de ce qui fait la matière même de son être. Que ce soit l’action du partir ou celle du répartir, chacune de ces deux actions (lorsqu’elles ne sont pas conjointes dans un même élan) fait de la personne illettrée un être morcelé[1], séparé, qui pour éviter l’angoisse qui en découle, finira par ne plus lire, augmentant ainsi de plus en plus son déficit dans le déchiffrage de la lecture. Ce qu’il l’aidera, ce n’est pas de réapprendre à lire ou à écrire, ce qu’elle sait déjà, mais de parvenir à ne plus être morcelée ou séparée quand elle s’affronte à la lecture. Il est nécessaire pour cela de lui ouvrir par un savoir-faire, une voie du côté de l’espoir qu’il existe un autre chemin. Un autre chemin qui consiste, pour aborder la lecture, à en même temps partir et répartir l’étoffe de son texte et aussi celle de son « être » propre. Cela s’appelle la Différence (avec un grand « D »). | ||||||
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[1] Ce qui explique que dans un premier temps de notre recherche, nous ayons pu penser que la personne illettrée présentait souvent certains traits communs avec les psychotiques.