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Jean-Michel Vappereau, psychanalyste et mathématicien français (Il vit actuellement entre Paris et Buenos-Aires)

« On doit à Jean-Michel Vappereau la trouvaille du pliage du schéma de la lettre 52 ( 1988, Étoffe édition TEE) qui lui sert à développer le concept d’involution signifiante de Lacan. Il est étonnant que les psychanalystes n’aient pas remarqué l’importance de cette conception de l’appareil psychique qui répond de la théorie des graphes, des surfaces, et des nœuds tels que Lacan les met en jeu ». http://www.cairn.info

Pulsion et raison graphique

par Dominique Inarra

Il n’ y a de droite que d’écriture, comme d’arpentage

que venu du ciel. Mais comment l’oublierions-nous

quand notre science n’est opérante que d’un ruissellement

de petites lettres et de graphiques combinés ?

J. Lacan, Litturaterre.

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Il s’agit d’apercevoir la pulsation temporelle et de réaliser qu’elle constitue une dimension caractéristique, fondamentale de la découverte et de l’expérience analytique.

Apercevoir la pulsation fait appel à la représentation. On la conçoit habituellement comme psychique, mentale et l’on oublie couramment la dimension graphique à laquelle nous nous référons sans cesse. Nous voilà donc assigné à la tâche d’expliquer en raison cette écriture, renouveler la cristallisation tranchante et décisive dans laquelle Freud trouve la raison d’aller au-delà de l’expérience immédiate, ce que l’on appelle aujourd’hui la raison freudienne.

Expliquer en termes de raison une écriture, c’est faire appel à ce que l’on nomme la raison graphique. Il y a en effet une raison graphique à l’œuvre dans la raison freudienne. Les analystes d’enfants le démontrent tous les jours.

Comment considérer le fait que Freud et bien plus encore Lacan aient eu recours à des opérations graphiques pour tracer le mouvement de leur pensée ? J’entends par graphique ce qui se représente par des lignes, des figures, des points, des dessins dans une surface.

 

Si on considère l’œuvre de Freud sur le plan de ses constructions graphiques, on ne peut pas manquer de s’étonner lorsque l’on réalise qu’elles se laissent classer en deux genres. Les unes ont une structure en arbre (ex. : l’Esquisse, le schéma perception-conscience de la lettre 52, les schémas de la Traumdeutung) ; ces formations graphiques témoignent toujours de l’effort de Freud pour saisir la structure, elles sont linéaires. Les autres ont une structure en boucle comme le schéma du manuscrit M qui montre le travail analytique à accomplir sur la structure hystérique, travail qui consiste en un nombre de boucles (Schleifen) et le schéma dit « sexuel » du manuscrit G où il montre le fonctionnement circulaire de la tension sexuelle qui lui permet de distinguer la mélancolie de la neurasthénie et la névrose d’angoisse.

La raison freudienne dans sa dimension graphique met en jeu la structure linéaire du signifiant et la structure circulaire de la pulsion. Nous allons tâcher de mettre en lumière le rapport entre ces deux structures.

Je dis « en lumière » à dessein, puisque Freud nous indique dans la Traumdeutung que son schéma perception-conscience procède de quelque chose d’analogue à la lumière dont la réfraction changerait de couche en couche.

Nous voudrions subvertir la métaphore optique de Freud, si chère à la méthodologie d’un Descartes qui en fit un traité, et qui répond chez Freud à l’image qu’il se fait du processus d’accumulation et de stratification des données dont relève le phénomène.

Nous voudrions avancer une autre façon d’éclairer la lecture de ce schéma perception-conscience et de le nouer à la pulsion. Comment passer de la métaphore optique à la logique du signifiant ? La lumière a ceci de commun avec le signifiant qu’elle se transmet sur un mode linéaire dans une temporalité donnée.

Nous voudrions montrer que ce graphe élémentaire peut être utilisé de telle façon qu’il puisse identifier la pertinence des deux opérations graphiques que Lacan nous lègue « clefs en main », puisque nous ne savons rien des principes qui ont gouverné le montage des schémas L et R. Nous devons y chercher la logique qui commande le montage.

Nous voudrions aussi montrer que le pliage que nous allons faire subir au graphe perception-conscience de Freud permet d’arriver à donner une représentation graphique de la pulsation de l’inconscient en utilisant l’astuce et la trouvaille de Jean-Michel Vappereau 1. Car Lacan s’échine tout au long de son séminaire à appuyer sans cesse sur cette notion de pulsation temporelle de l’inconscient. Elle se traduit par la rencontre de ce qui un instant apparaît dans l’ouverture de la fente, la schize, et qui s’évanouit à l’instant même en une fermeture.

Ce qui distingue le graphe de Freud et les deux graphes de Lacan est que le premier est un graphe ouvert, ses deux extrémités sont libres, alors que les deux schémas de Lacan sont des graphes fermés.

En décembre 1896, qui date la conception de son schéma, Freud n’a évidemment pas les moyens de produire autre chose qu’un graphe ouvert. Quelques années plus tard, dans la Traumdeutung, il reprend, concernant le travail du rêve, l’idée de la lettre 52. À regarder attentivement les schémas modifiés qui en résultent, on aperçoit deux flèches aux extrémités. Des flèches qui sont une véritable invitation – pour peu que l’analyste soit animé du désir du topologue – à mettre en continuité les deux extrémités du graphe ouvert.

Mais comment passer de la linéarité à la circularité ?

Lorsque Freud s’est littéralement imposé d’inventer le concept de pulsion, il se trouve confronté à un tel passage. Il se l’est imposé comme une nécessité. Il décide d’emblée, à ses risques, de le construire comme un concept fondamental de la psychanalyse. Il reconnaît se fonder sur une idée abstraite aux contours flous qui ne relève pas seulement de l’expérience de la cure. Il faut d’abord deviner l’idée – écrit-il – avant même de pouvoir en avoir la connaissance et en fournir la preuve. Il accepte avec une assurance remarquable l’empirisme de sa position et reconnaît la place qu’occupe l’intuition dans la genèse de ce concept.

La nécessité d’inventer ce concept tient au fait que l’inconscient comme phénomène se manifeste d’abord dans sa pratique essentiellement sous la forme d’une discontinuité que Freud va interroger comme personne ne l’a jamais fait avant lui. Partant de l’intuition du concept de la pulsion où il pose sa fiction comme une convention, Freud se propose de lui donner un contenu en soumettant ce dernier au matériel de l’expérience analytique.

Ce n’est pas l’expérience qui fait le concept, c’est le concept qui est vérifié par l’expérience analytique.

Telle est la méthodologie que Freud nous propose. Cette méthode a pour but de surmonter la difficulté dans laquelle il se trouve pour forger le concept de l’inconscient dont il doit extraire le savoir. La méthode freudienne a ceci de remarquable qu’elle va réaliser à partir de ce qui n’est pas encore. Elle doit toujours réaliser le concept qui manque, c’est le prix du maintien de l’ouverture de l’inconscient, c’est l’épreuve de la théorie qui se présente à la pensée de Freud avec une audace, une certitude qui impressionne encore.

Il cherche un point d’appui et une limite. Le point d’appui est celui qui permettrait de séparer avec efficacité un dedans et un dehors. Et où le trouve-t-il ?, dans la décharge motrice que motive la fuite de la source d’excitation. La limite, c’est la somato-psychique qu’il trouve dans les zones érogènes. Et il énonce l’essence de la pulsion : elle prend son origine à l’intérieur de l’organisme, elle est un concept limite entre le psychique et le somatique, elle se manifeste par une poussée constante, la fuite n’en vient jamais à bout. Le terme de pulsion recouvre une fiction du vivant qui ne peut se concevoir dans sa nature que comme biologique ; elle s’attache à un mode d’énergie psychique spécifique, l’énergie sexuelle, la libido. Elle se distingue de tous modes d’excitation extrinsèques, agissant sur le mode d’un impact unique ne pouvant être supprimé qu’à se soustraire de façon appropriée par la fuite motrice.

Le texte de Freud est décidé, ingénieux. Il lève le voile et jette une lumière inédite sur l’ombre que la faille laisse entr’apercevoir d’où il extirpe l’objet qu’il expose avec clarté et c’est d’ailleurs ce qui pose un certain nombre de difficultés au lecteur d’aujourd’hui. Cela c’est ouvert et cela c’est refermé. Il faut ré-ouvrir le texte qui, bien loin d’épuiser pour autant les questions, en pose d’autres. Prenons par exemple le terme de libido, est-elle une ou est-elle deux ?

On pourrait répondre hâtivement que Freud la fait deux ; celle qui se fixe sur lesobjets et celle qui se fixe sur le moi. Cette réponse n’est pas fausse, mais elle n’est pas tout à fait juste non plus. Avec le concept de libido que la raison freudienne déploie, on assiste à l’émergence d’une dimension paradoxale si nous répondons que la libido est une et deux à la fois.

Mais comment cela est-il possible ? La libido a une structure moebienne. En effet, la bande bilatère à laquelle on fait subir une torsion et dont on raboute les extrémités montre qu’avec du deux, on peut faire du un. Eh bien la libido c’est cela et bien plus encore lorsque Lacan sur les traces de la caverne de Platon forgera, en s’amusant du « un mythique », le mythe de la lamelle 2 où il montrera que son domaine est bien plus étendu que celui du corps propre bien que sa source soit intrinsèque à l’organisme.

Freud enfonce le clou en énonçant les quatre caractéristiques de la pulsion : poussée, but, objet, source. Il trace assurément sa voie dans le réel à la force de son désir. Le concept tourne déjà et il peut maintenant un moment s’apaiser ; il a trouvé ce qu’il cherchait depuis longtemps, un concept dont la source est interne qui s’appareille avec un objet qui la plupart du temps lui est extérieur.

Une dialectique nouvelle s’instaure selon une dynamique d’aller et retour, de circularité entre le dedans et le dehors, le somatique et le psychique ; elle répond de la raison freudienne, et pour longtemps.

Comment passer de la ligne au circuit ? Comment boucler le schéma perception-conscience de la lettre 52 ?

Il faut avoir l’esprit du topologue pour s’affranchir de l’orthodoxie que la ligne droite impose à nos yeux, élémentaire comme la « forme la plus concise de l’infinité des possibilités de mouvement ». Elle nous capture comme en témoigne cette définition de Kandinsky. La ligne droite et le trait qui la signifie exercent leur pouvoir séparateur au point de nous faire oublier que l’on peut la déformer.

C’est ce que nous allons faire.

Lacan sort de son chapeau le mythe de la lamelle en réponse à Loewenstein qui l’a interpellé lors de la Xe rencontre des psychanalystes de langue française : « Monsieur Lacan attaque le biologisme ; on ne peut pas s’en passer, c’est une chose inévitable, on ne doit même pas s’en passer ». Ignacio Gárate-Martínez « Re-susciter le statut du théorique en psychanalyse », « Boletín de la Institución Libre de Enseñanza », n° 3, Madrid, 1987.

Prenons le schéma de Freud :

Nous le considérons comme un graphe élémentaire ouvert mais dont les extrémités sont rendues indisponibles du fait que l’instance de la perception l’inaugure et celui de la conscience l’achève.

Il faut donc transformer ce graphe. Cela est rendu possible grâce à une opération que l’on appelle « line-graph », qui consiste simplement à remplacer les points d’intersection par un segment et les segments du schéma de Freud par des points d’intersection.

Bien qu’étant identifiable une à une, la distribution des lettres apparaît différente de ce que la raison graphique opère.

Comme vous le constatez, les extrémités du graphe sont libérées, elles acceptent le raboutage. Il ne reste plus qu’à subvertir la ligne du graphe en la brisant d’une certaine manière pour obtenir ce que nous cherchons.

Le schéma F auquel nous parvenons a la même structure que le schéma R de Lacan. Il s’y applique directement, se laisse orienter et distribue ainsi toutes les instances qu’il représente, et reçoit celles du schéma de Lacan.

(Voir le processus de repliement du schéma de Freud, par Jean-Michel Vappereau)

 

Ce graphe que nous nommerons application de F dans R mérite d’être médité car il s’anime de façon nouvelle : il peut lui-même se déplier, revenir à la ligne avec les nouvelles données qu’il importe, et permet de s’entraîner à saisir ce que l’on appelle une identification littérale. Il rend compte du schéma de 1896, vérifie et assure sa pertinence.

Mais il va bien au-delà de cela puisqu’il nous permet de donner une représentation de la pulsation de l’inconscient. Et pour ne pas tomber bêtement sur la métaphore de l’huître à perle, de quelque chose qui s’ouvre et qui se ferme, nous avancerons avec force que la pulsation de l’inconscient, c’est la structure du langage lui-même.

On constate que le graphe F dans R est ouvert. Perception et conscience sont disjoints, ça ne passe pas, le circuit est ouvert comme on le dit de la lumière lorsqu’elle est éteinte.

Si nous rabattons le segment conscience sur celui de la perception, c’est le raboutage des extrémités du schéma de Freud, c’est aussi le schéma L de Lacan, nous établissons la boucle, nous trouvons la circularité, ça passe, Lux est, le circuit est fermé comme on le dit quand la lumière est allumée.

Voilà donc une représentation graphique de la pulsation de l’inconscient. Elle est la pulsation du langage même, battements incessants à l’état de veille. Ce mode de représentation est, pour la raison attenante à sa lecture, déployé sur un mode linéaire. Son efficacité est de montrer la pulsation. Nous pourrions nous y laisser enfermer, mais nous allons, une deuxième fois, nous affranchir de la capture du linéaire en introduisant dansl’appareil une dimension nouvelle.

Cette dernière est verticale et il suffit de bien lire « litturaterre » pour l’apercevoir. Cette verticalité est agie dans l’écriture japonaise telle qu’elle s’écrit et se lit sur les « kakemono » qui fascinent tant Lacan, où l’on devine, à bien les regarder, le ruissellement de l’encre qui vient mouiller le papier, la pluie, voire l’averse d’idéogrammes qui viennent troubler la blancheur du papier. « D’entre les nuages », c’est de l’avion qui le transporte au retour du Japon avec ce que lui laisse « ce petit trop » de la langue japonaise qui l’affecte encore, que le « ruissellement » invinciblement – ceci n’est pas rien insiste-t-il – lui apparaît.

En bas, la surface terre scintille de mille reflets, réfléchis à la surface de l’eau, s’irradiant en d’immenses bouquets. De l’eau (et de la libido aussi bien) qui remplit ce qui du ravinement a fait le lit, dont elle suit le parcours dans le territoire. Vu du ciel chargé de nuages, le spectacle vient à prendre un tour météorologique.

C’est la notion d’Umwelt (environnement, milieu, ambiance) qui en commande le mouvement. Des nuages d’où s’aperçoit le ruissellement se trouve être la source en suspension de la surface d’où lui parviennent les reflets du signifiant. C’est en crevant les nuages que Lacan précipite le bouclage du cycle de l’eau, parvient à établir la rayure qui vient du ciel telle qu’elle se montre sur les estampes d’Hiroshigé, les traits figurant la pluie comme autant de rayures qui unissent le ciel et la terre. Il établit une circularité. Celle-ci se prête bien à l’achèvement de l’appareil de Vappereau telle que notre lecture le saisit.

La pulsation de l’inconscient est la pulsation du langage même, battements incessants à l’état de veille. Comment en rendre compte sur le plan clinique ? Pour être repérée comme telle, pour devenir significative cliniquement, il faut une rupture d’équilibre de l’Umwelt. Elle signale la pulsation, soit la rupture de l’ordre établi du semblant. Cette rupture est coupure, scansion occasionnée par le surgissement d’un événement dans la viepsychique de l’analysant.

L’événement convoque le sujet dans une procédure de vérité qui envahit la conscience et c’est du langage qu’il occasionne qu’il s’impose au « parl’être » comme obligation de le penser. Il s’est passé quelque chose de réductible à une inscription et c’est à l’analysant de la retracer. Ce travail n’est pas aisé car tout saisi dans sa conscience de l’événement qui l’habite, il s’expose au flux décuplé des perceptions tel que l’affect le signale.

Dès lors, c’est le registre imaginaire qui se décompose et prend de l’enflure en un discours qui présente alors une grande perméabilité aux formations du fantasme.

L’événement produit ses effets dans le signifiant. Il y a élévation de la perméabilité de la barre de résistance qui sépare le signifiant du signifié.

Vacillation des amarres de l’être, régime de la jouissance modifié, avec ses effets de relâchement et de perte d’inertie du discours, ruissellement de paroles et de larmes parfois, d’où s’aperçoit que l’organique ruisselle bien aussi.

Ce ruissellement des signifiants ne saisit pas l’objet dans sa consistance pas plus qu’il ne se laisse par lui attraper, et pourtant c’est dans sa chute qu’il remanie le signifié, c’est cela le ravinement dont nous parlons et c’est paradoxalement ce qui assure à la langue d’être vivante.

Ce qui déclenche le ruissellement est « conjonction du trait premier et de ce qui l’efface ».

Comment alors ne pas évoquer l’acte du calligraphe tel qu’un Shitao nous l’indique avec le concept de « l’unique trait du pinceau », dont la portée va même jusqu’à illustrer notre propos. Ici, l’événement est la rencontre de l’encre et du papier par la médiation d’un pinceau d’où naît le trait qui vient violer le blanc du papier, rompre le semblant de son uniformité. L’encre ruisselle alors sur la surface, elle y creuse son trait et fait son lit. Elle peut l’enliser aussi. D’un trait, Hakuin 3 fait une montagne, éperdue dans les nuages, trois aveugles passent l’étroit pont tout frêle, fait d’humbles rondins laissant deviner le précipice et le risque de la chute.

Suivant le cours que le trait nous indique, le sens vient alors se dévoiler puis se laisse identifier à la signification qui surgit du poème qui telle la pluie semble tomber du ciel : « sans voir, l’esprit peut traverser ».

C’est le temps du ravissement, le temps de l’identification :

La vie intérieure et le monde flottant qui nous entoure

Sont l’un et l’autre comme le pont de rondins des aveugles.

Le meilleur guide est l’esprit qui peut traverser.

Rupture, ruissellement, ravinement et ravissement (identification), telle est aussi la séquence en jeu dans l’acte du calligraphe où se restaure le semblant sur l’écran du fantasme. C’est ici que ressurgit la dimension du symbolique en son pouvoir séparateur, ses fonctions de médiation et de régulation telles qu’elles opèrent dans la parole, l’écriture et la lecture.

1. On doit à Jean-Michel Vappereau la trouvaille du pliage du schéma de la lettre 52 (1988, Étoffe édition TEE) qui lui sert à développer le concept d’involution signifiante de Lacan. Il est étonnant que les psychanalystes n’aient pas remarqué l’importance de cette conception de l’appareil psychique qui répond de la théorie des graphes, des surfaces, et des nœuds tels que Lacan les met en jeu.

2. Lacan sort de son chapeau le mythe de la lamelle en réponse à Loewenstein qui l’a interpellé lors de la Xe rencontre des psychanalystes de langue française : « Monsieur Lacan attaque le biologisme ; on ne peut pas s’en passer, c’est une chose inévitable, on ne doit même pas s’en passer ». Ignacio Gárate-Martínez « Re-susciter le statut du théorique en psychanalyse », « Boletín de la Institución Libre de Enseñanza », n° 3, Madrid, 1987.

3. « Les aveugles passant le pont » de Hakuin, L’Art du Zen, Stephen Addiss, éditions Bordas, p. 111.

 

Dominique Inarra

 

 

 

Ce texte de Dominique Inarra est extrait de : http://www.cairn.info

Grand merci à Dominique pour ce texte !

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La droite infinie :

par Jean-Michel Vappereau

(au Théâtre-Poème, dans le cadre du Séminaire de psychanalyse, à l’occasion de la diffusion de son texte par Artcurial le mardi 19 septembre 2006)

 

 

 

« Le moindre petit bout de géométrie, ce qui veut dire : d’espace mesurable, vous le démontre : vous considérez le point qui n’est théoriquement que l’intersection de deux lignes, comme un point parmi d’autres points, chacun gardant son individualité puisque deux lignes se recoupent en un seul point » (J. Lacan, lot 69)
Le travail de Jean-Michel Vappereau suscite des réactions, fait sortir certains de leur(s) trou(s), mais malheureusement ils sont bien peu nombreux à en dire au moins quelque chose de la topologie de Jacques Lacan.
Dans le texte de la D.I. qui a été publié lors de la mise en vente d’œuvres graphiques et manuscrits de Jacques Lacan, Jean-Michel Vappereau décrit le parcours topologique de la psychanalyse pour l’époque de la science classique. Il s’agit de prendre en compte de ce qu’il en est de la droite infinie. « La D.I. écrit
le trou réel
celui auquel on ne pense pas car nous sommes dedans, il nous constitue, c’est le refoulement originaire (Uverdrang, le troumatisme produit par le malentendu des parents : ils ne s’entendent pas crier) constitutif de l’inconscient de Freud. C’est l’effet de l’obscène primitif dont chacun fait son intuition, il introduit à la lisibilité comme telle, au trait unaire (Einziger zug) lisible avant la lettre. Avant qu’aucune écriture ne se constitue, il en est la condition, la lisibilité même ».

(Entretien de Jean-Michel Vappereau avec Peter Dyck, Pierre Smet et Joseph-Lê Ta Van)


artcurial.com

 

  • Jean-Michel Vappereau, auteur de nombreux articles sur la topologie et la théorie des nœuds, parle de l’œuvre graphique de Jacques Lacan le 14 juin à 20h30, à l’Hôtel Dassault, lors de la mise en vente de certains dessins inédits de Lacan.

 

UN ENSEMBLE INEDIT DE JACQUES LACAN

25 ans après la mort de Jacques Lacan, quelque 130 documents (1972-1979) relatifs aux travaux du psychanalyste le plus controversé sortent enfin de l’ombre.

« Ces documents témoignent d’une période décisive dans la recherche du Docteur Lacan », commente Jacques Roubaud1 : « ils donnent accès au chantier d’une pensée au travail, avec ses tâtonnements, ses intuitions brusques, ses découvertes. Leur dimension picturale inattendue n’en est pas le moindre attrait ».

Littéralement exhumés, ces œuvres graphiques et manuscrits de Jacques Lacan proviennent de la collection de Jean-Michel Vappereau, psychanalyste et mathématicien, proche et collaborateur du célèbre médecin.

C’est en octobre 1969 que Jean-Michel Vappereau est présenté à Jacques Lacan par Roland Dumas qui le conduit dans le mythique cabinet du 5 rue de Lille. Très vite, la relation de Jacques Lacan et de Jean-Michel Vappereau s’approfondit. Ensemble, ils cherchent à réaliser le « nœud à quatre ». En son jeune collaborateur, Lacan trouve un moyen de vérifier ses connaissances en mathématiques modernes…

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DANS LA LIGNEE DE FREUD

Héritier et pourfendeur de la théorie freudienne2 dont il dit avoir fait « un jardin à la française », Jacques Lacan (1901-1981) devait jouer un rôle fondamental dans l’histoire de la psychanalyse et former au cours de ses « séminaires » des centaines d’analystes.

Son postulat : « l’inconscient est structuré comme un langage ». Freud l’a montré : les lois du langage sont organisatrices de la vie quotidienne comme de la pathologie. Pour se dire, le fantasme doit faire des compromis avec les interdits et se travestir sous forme de rébus.

L’analyste doit être sensible non au sens des images mais à leur prononciation. Pour montrer le pouvoir structurant de l’image et de la parole, Lacan excelle à approfondir la pensée freudienne en l’articulant à la linguistique.

Définis dans la conférence de juillet 1953, les registres du Symbolique, de L’Imaginaire et du Réel qui constituent l’apport de Lacan à la psychanalyse, vont permettre de porter un jour nouveau sur l’identification du sujet dans ses rapports au langage.

JACQUES LACAN : ENTRE ADMIRATION ET CONTROVERSE

« Depuis plus d’un demi-siècle, la question « êtes-vous pour ou contre Lacan ? » résume la psychanalyse française tout entière »3. Tout a été dit et écrit sur Lacan, le meilleur comme le pire. « Je suis un traumatisé du malentendu » avouait le psychanalyste peu avant sa mort : « Comme je ne m’y fais pas, je me fatigue à le dissoudre. Et du coup, je le nourris ».

Brillant, provocateur, arrogant et mondain, aussi critiqué qu’admiré, Lacan se voit promu au rang de star, livré à l’opinion.

Tandis que ses séminaires aussi passionnants que scandaleusement hermétiques font salle comble, il se pare de toute une panoplie baroque qui contribue à lui forger la réputation du personnage le plus « tape-à-l’œil » de l’histoire de la psychanalyse.

Vestes de tweed, nœuds papillon, manteaux de fourrure dignes d’un tsar, Lacan arbore la posture du dandy, fume des Punch Culebras, aime les voitures puissantes. Les formules à l’emporte-pièce émaillent son discours.

Il accumule les œuvres d’art : sa maison La Prévoté devient, d’après Elisabeth Roudinesco, sa biographe, « la caverne d’Ali Baba », avec une bibliothèque comprenant plus de 5000 volumes et des œuvres signées Balthus, Renoir, Masson, Bellmer, Derain, Monet, Giacometti, Picasso …

En 1966, au faîte de sa gloire, Lacan fait paraître « Les Ecrits ». Cet ensemble de près de 1000 pages rassemble les textes des 27 articles, communications ou conférences publiées entre 1936 et 1966. Elisabeth Roudinesco raconte la diffusion prodigieuse de l’ouvrage : « Dès le premier jour de parution de ce livre sublime, Lacan reçut la consécration tant attendue et bien méritée. Cinq mille exemplaires furent vendus en moins de quinze jours. Plus de cinquante mille exemplaires seront achetés pour l’édition courante, et la vente en poche battra tous les records pour un ensemble de textes aussi difficiles : plus de cent mille exemplaires pour le premier volume, plus de cinquante-cinq mille pour le deuxième. »

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2 En 1953, Lacan préconise un retour à Freud et crée, en 1964, l’Ecole freudienne de Paris qu’il sabordera en

1980 pour y substituer l’Ecole de la cause freudienne.

3 Jacques-Alain Miller, « Lacan seul contre tous », in Le Point hors série n°7, mars-avril 2006, p. 97.

Extrait de la Galerie : artcurial.com