Le Tao (Daodejing de Laotsi : ch. 42)
Le Tao crée le Un Le Un crée le Deux Le Deux crée le Trois Le Trois crée les dix milles êtres
Le Tao est le géniteur, le Wu, le transcendant vide.Le Un, c’est le souffle, le Yu, l’aspect maternel, reproducteur de la nature.Le deux, c’est le Yang, l’élément mâle, actif de la réalité visible.Le trois, c’est le Yin, l’élément féminin, passif de la réalité visible.Le Un, le Deux et le Trois, ensembles, engendrent le ciel, la terre et le cycle de la vie.
Mille e tré (Lacan : « Encore » ch.1 : De la Jouissance)
Qu’est-ce qu’implique en tout cas la finitude démontrable des espaces ouverts capables de recouvrir l’espace borné, fermé en l’occasion, de la jouissance sexuelle ? que lesdits espaces peuvent être pris un par un – et puisqu’il s’agit de l’autre côté, mettons-les au féminin – une par une.
C’est bien cela – qui se produit dans l’espace de la jouissance sexuelle – qui de ce fait s’avère compact. L’être sexué de ces femmes pas-toutes ne passe pas par le corps, mais par ce qui résulte d’une exigence logique dans la parole. En effet, la logique, la cohérence inscrite dans le fait qu’existe le langage et qu’il est hors des corps qui en sont agités, bref l’Autre qui s’incarne, si l’on peut dire, comme être sexué, exige cet une par une.
Et c’est bien là l’étrange, le fascinant, c’est le cas de le dire – cette exigence de l’Un, comme déjà étrangement le Parménide pouvait nous le faire prévoir, c’est de l’Autre qu’elle sort. Là où est l’être, c’est l’exigence de l’infinitude.
Je reviendrai sur ce qu’il en est de ce lieu de l’Autre. Mais dés maintenant, pour faire image, je vais vous l’illustrer.
On sait assez combien les analystes se sont amusés autour de Don juan dont ils ont tout fait, y compris, ce qui est un comble, un homosexuel. Mais centrez-le sur ce que je viens de vous imager, cet espace de la jouissance sexuelle recouvert par des ensembles ouverts, qui constituent une finitude, et que finalement on compte. Ne voyez-vous pas que l’essentiel dans le mythe féminin de Don juan, c’est qu’il les a une par une ?
Voilà ce qu’est l’autre sexe, le sexe masculin, pour les femmes. En cela, l’image de Don juan est capitale.
Des femmes à partir du moment où il y a les noms, on peut en faire une liste, et les compter. S’il y en a mille e tre c’est bien qu’on peut les prendre une par une, ce qui est l’essentiel. Et c’est tout autre chose que l’Un de la fusion universelle. Si la femme n’était pas pas-toute, si dans son corps, elle n’était pas pas-toute comme être sexué, de tout cela rien ne tiendrait.
Paroles du Don Juan de Mozart (Extraits du serveur musical de serge Soudoplatoff)
Pour écouter la musique ci-dessous, il faut avoir Real Player ( vous pouvez le télécharger ici )
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L’air du catalogue
Thomas Allen, Carol Vaness, Keith Lewis, Dimitri Kavrakos, Maria Ewing, Richard Van Allan, John Rawnsley, Elizabeth Gale, Londo Philarmonic Orchestra, Bernard Haitink. Un disque EMI.
Don Juan se débarrasse de Dona Elvire, un peu collante il est vrai. Et pour cela, il demande à Leporello de lui expliquer.. la vérité!! Ce dont il s’acquitte bien consciencieusement en déballant tout simplement le catalogue de toutes les femmes que Don Juan a aimé. Magnifique air, le récitatif qui donne le ton (« rassurez-vous, vous n’êtes ni la première, ni la dernière), un mouvement rapide qui contient la liste (maintenant disponible sur Internet, grâce à ce serveur:-), ce point d’orgue du refrain « mais en Espagne, elle sont mille et trois », puis une conclusion si belle si tendre, où il lui explique gentiment « vous savez bien ce qu’il fait ». Et Donna Elvire qui veut encore y croire…
ItalianoMadamina, il catalogo è questo Delle belle che che amo il padron mio Un catalogo egli è che ho fatt’ io; Osservatte, leggere con me. In Italia seicento e quaranta; In Allemagna duecento e trentuna; Cento in Francia; in Turchia novantuna; Ma in Ispagna son gia mille e tre. V’han fra queste contadine, Cameriere, cittadine, V’han contesse, baronesse, Marchesane, principesse E v’han donne d’ogni grado, D’ogni forma, d’ogni eta. Nella bionda egli ha l’usanza Di lodar la gentilezza Nella bruna la constanza Nella bianca la dolcezza. Vuol d’inverno la grassotta Vuol d’estare la magrotta; E la grande maestosa, La piccina è cognor vezzosa Delle vecchie fa conquistra Pel piacer di porle in lista Sua passion predominante E la giovin principiante. Non si picca se sia ricca, Se sia brutta se sia bella ¨Purchè porte la gonnella, Voi sapete quel che fa. | FrançaisBelle Dame, regardez cette liste des conquêtes que fit mon beau maître catalogue dressé par moi-même! Je vous prie, lisez avec moi: Italie, voyez, six cent trente Allemagne, deux cent trente et une cent en France, et soixante en Turquie! Mais en Espagne, déjà mille et trois. Voyez, des villageoises, des soubrettes, des bourgeoises, des comtesses, des duchesses, des marquises, des princesses, des femmes de tout âge, et de tout rang. Chez la blonde, il a coutume de goûter la douceur. Chez la brune, c’est la constance; chez la palotte, la douceur. Pour l’hiver la grassouillette; pour l’été la maigrelette! Si la grande est plus noble, la petite est plus gracieuse. Les matrones sont fort bonnes pour le petit plaisir de les inscrire! Mais sa passion dominante, c’est la jeune débutante. Toute femme, toute fille, la vilaine comme la gentille, tout ce qui porte jupe.. Vous savez ce qu’il en fait… |
Pas de chiffre au-delà de trois (extrait de « Illettrisme et Sexuation » de Charley Supper)
Il n’y a pas de chiffres au-delà de trois.
Pas de nombre au-delà de trois !
Les textes sacrés font tous état du fait qu’il n’y a pas de nombre au-delà de trois.
C’est vérifiable si nous ne comptons pas en mode binaire.
Le mode binaire (ou analogique) étant le fait de ne prendre en compte que l’identique. |
On aurait : 1 = |
2 = |
3 = |
4 = |
etc… |
Cela correspond à ce que nous avons nommé ailleurs « se mêmer ». |
Est-ce que tu même, ou est-ce que tu même plus ? |
On entend cela tous les jours.. |
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L’avantage de compter de façon non binaire
Ici où nous comptons en mode non analogique, l’on voit bien que 1 ou 2 ou 3205 sont tous un « un chiffre », mais un « 1 chiffre » pas pareil. Les mêmes, mais pas pareils ! Des semblables, mais pas pareils ! Comme pour les humains !
Sauf que ceux qui auront refusé l’accès au symbolique, c’est-à-dire au mode non analogique du comptage, n’auront accès qu’au racisme ou à l’illettrisme. C’est le même processus ! L’impossibilité de mettre sur un même plan l’identique et le différent.*
Si je réalise le catalogue des vaches de ma ferme, je vais les faire défiler devant moi et faire un trait dans mon cahier chaque fois qu’en passe une. Si se présente un cheval, je ne le chasserais pas en criant. Je le ferais figurer dans mon registre au paragraphe « non-vache ». C’est ça la différence ! Pas le métissage, qui est un refus de la différence !
Arrêtons de croire ou de faire croire que A = A. La fonction de « A » est de n’être ni B, ni C, ni D, ni aucune autre des lettres de l’alphabet.
Nous voyons bien ici où mène le concept imaginaire (ou analogique) de révolution en politique, à un éternel retour du même (despotique, j’entends !). Un tour complet ou quatre quart de tour, et hop, rien n’est changé !
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Revenons à nos moutons qu’il nous reste à compter non pas pour nous endormir mais pour essayer de nous réveiller du binaire !
On voit ci-dessus, au temps 3 représenté en bleu, que de trois à quatre, il y a évolution représentée par la flèche bleue.
Alors que se passe-t-il quand nous inscrivons 5, nous constatons que nous répétons le 4.
fig. 2
À quatre, commencent “les mille êtres” du Tao, ainsi que le lien des mille lettres de l’alphabet, celles que l’illettré ne peut pas déchiffrer, d’être bien avant le trois de la Trinité.
C’est-à-dire avant le “Un en plus”!
De n’avoir pas accès au “Un en plus”, la personne illettrée se retrouve inscrite comme en moins, un “un” en moins, et du coup elle a le sentiment d’être “en trop”.
Toujours cet embrouillamini du binaire où “tout est dans tout”.
Alors que le trinitaire donne accès au Tout qui est dans chaque partie !
Ce “+1” n’est pas sans rapport à l’unité de Dieu en ce sens qu’il est infini, toujours égal à lui-même sans qu’on puisse lui retrancher ou lui ajouter. C’est ça que les Grecs nommaient le Beau.
Le Un symbolique n’apparaît qu’après le Trois.
Illettrime et Ex-il (extrait se « Illettrisme et Sexuation » de Charley Supper)
Parlons du fait d’être à tu et à toi avec l’autre.
C’est aujourd’hui un signe de modernité. On est frères et on se tutoie, ce qui en est la marque. La marque imaginaire, vous l’aurez compris !
C’est tout le contraire évidemment !
Le “tu” sers à référencer le discours pour en faire une parole interchangeable entre deux interlocuteurs qui seront chacun à son tour “je” ou “tu”, selon l’acte d’énonciation de celui qui dit “je”.
À partir du moment où tout le monde se dit “tu”, on n’a plus de réfèrent du discours pour savoir qui est qui et qui dit quoi. Il n’y a dès lors plus à s’étonner, dans ce joyeux bordel, qu’un père en parlant de sa femme dise à son fils “maman ne veut pas” ce qui complique encore les relations de filiations, le fils se trouvant ainsi avoir la même mère imaginaire que son père.
Le tutoiement systématique n’est pas loin du “il” de la “non personne” qu’on entend encore trop souvent dans les institutions s’occupant de personnes handicapées ou du troisième âge.
Le “alooors, il a bien dormiiiii ? ” ne sert qu’à dénier à l’autre son rôle d’interlocuteur valable en l’empêchant de répondre par “je”.
Le “tu” systématique aussi, tue celui à qui il s’adresse, comme lui interdisant de répondre en disant “je”. Ce n’est pas si loin du “madame est servie” d’antan.
Pas question de parler avec ces gens-là !
Aristocratie ou pseudo-bourgeoisie gauchisante, même combat !
Quant aux différents domaines professionnels où l’on est “à tu et à toi”, ce n’est sous prétexte de modernité qu’une façon de subjuguer l’autre afin qu’il se taise et que la parole ne soit jamais autorisée.
Ça donne ces ambiances écœurantes où généralement tout le monde est d’accord, toujours du côté “bien-pensant”.
Toujours ce refus de la différence !
C’est le même phénomène à la mode qui fait qu’on ne puisse plus se rassembler autrement que sous les auspices du tonitruant répertorié musique, afin qu’on ne risque pas d’être confronté au silence, au vide de son où pourrait bien soudain s’élever la voix de cet Autre qui nous veut tant de mal, qu’on doive l’annuler par n’importe quel moyen. Terreur tenace d’être imaginaire. Terreur de risquer la vérité d’une parole, au cas où quelqu’un s’aviserait d’en proférer une.
La vérité à poil tout à coup, devant nous !
Ce “tu”, qui n’est pas “rapporté à l’acte d’énonciation qui le supporte”[1] et ce ”il” de la non-personne sont bien sur une façon imaginaire de réfuter l’Autre du discours. En quoi réfuter ou nier est fondamentalement différent que d’énoncer quelque chose qu’il n’y a pas (= dénégation) ! (J’ai rêvé d’une femme, je ne sais pas qui c’est; la seule chose dont je suis sur, c’est que ce n’est pas ma mère…)
Le tu et le il de la non personne n’ont rien à voir avec le “il” auquel donne accès le fait d’accepter les rôles réversibles de locuteur et d’allocutaire, lors de l’énonciation d’un “je” qui s’adresse à un “tu” comme futur “je” autorisé.
Ainsi l’enfant acquiert le “IL” au moment où il assimile la troisième dimension, la perspective.
Cet “il” symbolique lui permet de présentifier l’absence et de représenter la “dimension trois”, laquelle n’est hélas représentable, pour les pauvres humains que nous sommes, qu’en dimension deux dans la réalité (Voir plus ici sur la dimension deux en dimension trois)
Ceux qui, conscients de l’importance de se confronter au « IL« , n’aurons pas le front de s’y frotter, resteront à l’étage imaginaire du « IL » de l’ IL-lettrisme.
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xxx | Depuis le lien invisible qui relie ces cinq parties, nous nous permettons d’affirmer que : l’illettrisme n’est ni une maladie ni une insuffisance, mais un signe d’intelligence. Intelligence, presque au sens d’intelligence avec l’ennemi, intelligence créatrice d’un mode de survie particulier entre mille que trouve un humain pour pouvoir subsister en faisant l’économie du « tré » de la mort symbolique laquelle le terrorise tant, qu’il la réfute et prétend pouvoir s’en passer en son for intérieur. Le choix d’être en ex-il, mort-vivant !
Si je suis en exil, mort-vivant, je n’ai d’autre choix que de : m’ill et trer | ||
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[1] “L’ÉNONCIATION en linguistique Française”, de Dominique Maingueneau (p.10).